Du 26 au 28 août 1944, nos villes retrouvaient la liberté. Il y a 81 ans, Pierrefitte (libérée le 26 août) et Saint-Denis (le 28 août) sortaient de l’occupation nazie. Pendant plusieurs jours de combats acharnés, les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), épaulées par la 2e division blindée du général Leclerc, ont mis fin à quatre années de terreur, de collaboration et de répression.
Mais cette libération ne fut ni magique, ni pacifique. Elle fut le fruit du courage de milliers d’anonymes et de figures locales engagées dans la Résistance, souvent au péril de leur vie. Elle fut également le résultat d’une organisation collective, patiemment tissée dans la clandestinité depuis les premières heures de l’Occupation.
La Résistance à Saint-Denis : un bastion ouvrier en lutte
Le rôle de Saint-Denis dans la Résistance fut majeur, ancré dans son histoire ouvrière, syndicale et populaire. Dès le 15 juin 1940, un premier acte individuel de résistance est accompli sur la commune, le jour même où le drapeau nazi est hissé sur la Tour Eiffel. Ce geste isolé marqua un refus immédiat de la collaboration.
Très rapidement, la jeunesse s’organise. Dès la fin du mois d’août 1940, environ 70 jeunes dionysiens se regroupent clandestinement à La Plaine, à la Mutuelle, au Centre, à Bel Air ou encore aux Joncherolles. Ces premiers noyaux résistants seront confrontés à une répression féroce.
La libération de Saint-Denis s’étale sur près de trois semaines, entre le 9 et le 28 août 1944. Elle commence avec la formation du Comité Local de Libération, dirigé par Fernand Vanhollebecke, et s’achève avec la mise en place d’une délégation municipale provisoire présidée par Auguste Gillot.
Ce processus fut marqué par de violents combats, la prise de la mairie, des grèves insurrectionnelles dans les usines Hotchkiss, Cazeneuve, Delaunay, des barricades populaires, et des sabotages audacieux organisés par les cheminots du Landy.
Le fascisme a aussi eu ses racines à Saint-Denis
Cette victoire de la Résistance à Saint-Denis prend un relief particulier quand on se souvient que la ville fut aussi le berceau d’une figure de la collaboration fasciste : Jacques Doriot.
Ancien maire communiste de Saint-Denis devenu fondateur du Parti Populaire Français (PPF), Doriot est l’un des symboles de la trahison. Il s’illustre par son engagement aux côtés des nazis, allant jusqu’à porter l’uniforme allemand et combattre sur le front de l’Est contre l’URSS. Il finira tué par un avion allié en 1945, alors qu’il fuyait.
Le contraste est saisissant : à Saint-Denis, ville ouvrière et résistante, le combat contre le fascisme a aussi été un combat contre l’un des siens, devenu traître à la nation. La libération de Saint-Denis est donc aussi la défaite politique et morale du collaborationnisme français.

Pierrefitte : une résistance enracinée dans le peuple
À Pierrefitte, la Résistance s’est organisée très tôt, portée par une population diverse et solidaire. Cheminots, enseignants, ouvriers, jeunes, habitants de toutes origines — français, immigrés, juifs, catholiques, communistes ou sans religion — ont mené ensemble des actions de sabotage, d’hébergement de persécutés, de diffusion de tracts, et de soutien aux maquis.
On pense à Lucien Blin, professeur résistant, déporté, à Jean Catelas, militant communiste exécuté en 1941, et à tous les anonymes du dépôt de La Plaine, de la SNCF ou de l’Éducation nationale, qui ont fait le choix de la dignité.
Du Comité Local de Libération au Conseil National de la Résistance
Le combat mené ici, dans nos quartiers, s’inscrit dans une histoire nationale : celle du Conseil National de la Résistance (CNR). Créé en 1943 sous l’impulsion de Jean Moulin, le CNR unifie les forces résistantes — communistes, gaullistes, socialistes, syndicales, chrétiennes — pour lutter contre l’occupant, mais aussi pour préparer l’avenir.
Le programme du CNR, adopté dans la clandestinité, deviendra après la Libération la base d’un nouveau pacte social : Sécurité sociale, nationalisation des grandes banques, liberté de la presse, retraites, droits syndicaux, école pour tous. Ce projet de société, forgé dans l’ombre de la guerre, portait une ambition simple : “rétablir la République dans sa plénitude” et construire une France libre, juste et solidaire.

Une mémoire vivante, un combat d’aujourd’hui
Plus de 5 000 résistant·es ont été arrêtés, déportés, torturés ou exécutés dans notre département. Ils ont combattu pour une République populaire, sociale, fraternelle. Commémorer la libération, ce n’est pas célébrer un passé figé, c’est rappeler que l’héritage de la Résistance est un devoir d’action.
Aujourd’hui encore :
- La guerre, l’exil, le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie, la xénophobie tuent,
- Les Manouchian d’hier sont les exilé·es d’aujourd’hui,
- Les résistants d’hier sont les militant·es, soignant·es, bénévoles, syndicalistes, lanceur·ses d’alerte d’aujourd’hui.
Et pendant ce temps, certains héritiers politiques de Vichy siègent au Parlement européen, piétinent les droits humains et rêvent d’un nouveau 1940. Le combat n’est pas terminé.
Être à la hauteur de la Résistance
Être digne de la Résistance aujourd’hui, c’est :
- Refuser la banalisation de l’extrême droite,
- Combattre les politiques xénophobes, autoritaires, antisociales,
- Refuser le silence face aux génocides — en Palestine, en RDC, au Soudan, ailleurs,
- Défendre une République laïque, sociale, écologique et féministe,
- Exiger des politiques humaines et justes dans le logement, la santé, l’école, l’emploi,
- Porter à Saint-Denis, Pierrefitte et partout, un projet de société à hauteur d’humain.
“Ils avaient leurs raisons de se battre. Nous avons les nôtres de continuer.”
En rendant hommage à celles et ceux qui ont libéré nos villes, nous affirmons que leur mémoire nous engage.
Soyons à la hauteur de leur héritage.
Soyons les insurgé·e·s du présent.
Le 31 août 2025