« Jean-Luc Mélenchon a le droit d’être tout simplement respecté » par Cynthia FLEURY

RESPECT POUR CET ARTICLE…CYNTHIA FLEURY J’ADORE….Bally Bagayoko

Cynthia Fleury : “Jean-Luc Mélenchon mérite mieux que les invectives dont il est l’objet”

Professeur de philosophie à l’American University of Paris, psychanalyste et titulaire de la chaire de philosophie de l’Hôtel-Dieu, Cynthia Fleury revient sur la campagne électorale avec son regard acéré d’intellectuelle en prise avec la vie de la cité.

Dans votre essai La fin du courage (Fayard, 2010), vous rappelez qu’il n’existe pas de courage politique sans courage moral. Le choix de Jean-Luc Mélenchon de ne pas donner de consigne de vote à ses électeurs vous apparaît-il comme courageux – en cela qu’il se refuse à toute injonction morale – ou lâche, parce qu’il refuse de trancher entre deux solutions – Emmanuel Macron et Marine Le Pen – nécessairement imparfaites ?

Cynthia Fleury – C’est une question compliquée. Ce qui est certain, c’est que le choix de Jean-Luc Mélenchon mérite qu’on essaie de l’entendre, à défaut de forcément le comprendre. Je ne suis personnellement pas d’accord avec l’option qui est la sienne. La responsabilité ne se réduit pas forcément à une insuffisance des valeurs ou des principes. Elle est aussi une forme de conviction. J’ai évidemment bien conscience que le “front républicain” est encore instrumentalisé pour masquer les effets d’une mondialisation que la politique, avec les différents échelons qui sont les siens (du local à l’international) cherche trop peu à “réguler”. Mais la banalisation du FN reste à mes yeux un acte irresponsable.

Il n’empêche : le candidat de la France insoumise mérite mieux que les invectives dont il est l’objet depuis quelques jours. Par son parcours, par son engagement, par sa densité citoyenne, Jean-Luc Mélenchon a le droit d’être tout simplement respecté. Selon lui, la politique d’Emmanuel Macron renvoie à un néolibéralisme plus ou moins marqué, dont les effets en termes de justice sociale sont potentiellement ravageurs. Or, l’on sait bien que le vote FN se cristallise précisément sur ce sentiment d’injustice et de déclassement. Devoir choisir entre Macron et Le Pen s’apparente donc pour le leader de la France Insoumise à un piège. Rappelons par ailleurs qu’il n’a évidemment pas appelé à voter le FN : il renvoie chaque citoyen à sa conscience. Cela étant, il me semble qu’en tant qu’homme politique, il aurait pu davantage expliciter les raisons de son non-choix, qui est un choix en soi, d’autant qu’il avait clairement appelé à faire barrage à Jean-Marie Le Pen en 2002. Il aurait donc gagné à être plus pédagogue, ne serait-ce que pour des raisons de lisibilité de son changement de cap. [entretien réalisé avant la prise de parole de Jean-Luc Mélenchon, vendredi 28 avril – ndlr]

La notion de “consigne de vote” a-t-elle encore un sens aujourd’hui, à l’heure où la défiance envers les politiques mais aussi la volatilité électorale n’ont jamais été aussi grandes ? N’est-ce pas une façon d’infantiliser les citoyens ?
Ce terme peut sembler dépassé, mais pour tous les électeurs qui sont encore dans un lien de reconnaissance de l’autorité de leur parti – et il en reste –, connaître le vote du leader vers lequel on s’est soi-même tourné n’est pas neutre. Bien sûr que les électeurs ne veulent pas se sentir dépossédés de leur vote, mais cela compte de connaître la réflexion pour le 2nd tour de celui qui nous a représentés lors du 1er tour. Si ce n’est pas forcément une “consigne” que celui-ci doit donner à ses électeurs, il peut néanmoins participer de leur consentement éclairé en expliquant, en toute transparence, ce qu’il s’apprête à faire. Cela fait partie d’un mode de fonctionnement classique des partis, avec un peu de verticalité.

Dans votre dernier essai, Les irremplaçables (Gallimard, 2015), vous insistez sur la notion d’irremplaçabilité de l’individu dans la régulation démocratique. Autrement dit, la démocratie ne peut s’exercer qu’à condition de maintenir les sujets libres et irremplaçables. Les injonctions aux différents “votes utiles” qui ont émaillé cette campagne électorale ont-elles permis aux citoyens de demeurer des sujets libres ?

Je le crois. Il ne faut pas oublier que la liberté n’est jamais une toute-puissance. C’est une affaire de contrainte. Qui dit vote dit décision, dit renoncement, dit deuil. La liberté, ce n’est pas la permissivité totale. C’est pourquoi je crois important de démythifier le vote : ce n’est pas forcément le moment d’affirmation d’une conviction absolue, mais un outil de régulation de la démocratie dont il faut bien sûr chercher à améliorer la représentativité et la légitimité (comptabilisation du vote blanc, modes d’accès et des conditions à la candidature à pluraliser, etc…) D’où l’importance de faire vivre la démocratie de façon continue et pas seulement par intermittence, au seul moment du vote. Je crois que la conviction de chaque citoyen peut s’exprimer aussi à d’autres occasions que lors des élections, par des engagements plus quotidiens, par l’exercice de la démocratie sociale, etc.

Nous sommes désormais dans l’entre-deux-tours. Que pense la psychanalyste que vous êtes du discours d’Emmanuel Macron au soir du premier tour et de sa désormais fameuse virée à la brasserie de la Rotonde ? Satisfaction légitime ou délire mégalomaniaque ?

Il est toujours symptomatique de voir une personne, parfaitement rompue aux jeux des médias, dont la candidature a aussi en grande partie été portée par eux, se jeter ainsi dans la gueule du loup. Est-ce une bêtise due à la fatigue de la campagne ou une vraie incompréhension des symboles, ce qui dénoterait un caractère très “hors réalité commune” dudit candidat? Il n’en reste pas moins qu’Emmanuel Macron est candidat à la présidence de la République, et qu’il n’est donc plus uniquement Emmanuel Macron aimant aller à La Rotonde. Cela renvoie inutilement à de mauvais souvenirs et postures sarkozystes.

De toute façon, la jouissance, hors de la scène/sphère de l’intime, est jugée immédiatement ob-scène, et d’autant plus pour un homme public. Côté discours, le temps infini pour le prononcer était également inapproprié, par son manque d’humilité et de gravité face à la situation. Emmanuel Macron doit veiller à ne pas prendre les codes de l’histrionisme démocratique (séduction permanente des médias, mise-en-scène de la vie privée, etc…), et c’est loin d’être ainsi car la télévision se nourrit principalement de cela.

La représentation nationale ne s’appuie nullement sur “l’authenticité” de la personnalité du chef de l’État, mais sur la capacité de représenter l’intérêt général d’un monde commun. Macron n’aspire pas à devenir le représentant de la “gauche caviar”, mais d’une sorte de front républicain permanent, ce qui va demander là aussi d’abandonner très vite ses anciens réflexes. La société du spectacle est un monde où seule la forme (acceptable par l’audience) fait office de fond.

Justement, certainement pratiques médiatiques ne devraient-elles pas davantage être remises en question ? La façon, par exemple, dont les chaînes d’information en continu ont scénarisé l’affrontement entre Macron et Le Pen lors de leurs venues respectives sur le site de Whirlpool à Amiens n’abaisse-t-elle pas la démocratie ?

Parfaitement. La télévision est devenue le cirque Pinder. Lorsque vous regardiez le compte à rebours, juste avant l’annonce des deux candidats, les journalistes s’étaient mus en “Monsieur Loyal” haranguant les téléspectateurs pour vendre leur show. On attendait l’arrivée de la femme à barbe. Nous sommes en situation d’état d’urgence, avec une précarisation croissance de la population, des problématiques aussi douloureuses que celles de l’accueil des réfugiés ou du chômage de masse… Et face à cela, nous avons droit aux jeux du cirque. Le problème fondamental est que ce grand spectacle n’a rien de démocratique : c’est une machine à fabriquer du faux (et non pas de la fiction), qui superpose mauvais théâtre et politique.

Pour produire quelque chose de l’ordre de l’ininterrompu, la télévision se nourrit de fausses intrigues, d’affaires dans l’affaire, de sa passion du détail… Il en découle une perte totale de prise avec la réalité d’une part, et avec l’exercice même de la démocratie d’autre part. Celle-ci n’est en effet pas là pour capter l’attention comme un divertissement : elle tente de créer de la rationalité publique, ce qui constitue une toute forme d’attention et de concentration, et dès lors un spectacle trop ennuyeux pour le modèle médiatique actuel, basé sur l’économie de l’attention, telle qu’elle a été théorisée par Georg Franck, et de façon plus populaire et percutante par le fameux “temps de cerveau disponible” dont parlait en son temps l’ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay. Le fait que les médias soient ainsi dénaturés dans leur fonction d’information pose donc un véritable problème démocratique, qui va en s’aggravant.

Propos recueillis par Clara Bamberger

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