ALLOCUTION DE MON AMI SALAH KHEMISSI LORS DE LA CEREMONIE DE REMISE DE SA DISTINCTION CHEVALIER DES ARTS ET DES LETTRES
Bonsoir ! Monsieur le Maire, Didier PAILLARD, Monsieur Stéphane PEU, Monsieur Laurent RUSSIER, Monsieur MSSALI Mahmoud, Consul d’Algérie, Chers Elus et Amis,
J’aurais pu commencer par un bonsoir Saint-Denis ça va, j’ai le plaisir de…. Non je plaisante
Je suis ému et fier de l’événement qui m’est donné de vivre ce soir.
Chevalier des Arts et des Lettres, cette distinction me plait et je suis fier de la porter. Cette distinction honore les personnalités qui se sont illustrés par leur création artistique dans le domaine artistique ou littéraire ou par leur contribution qu’elles ont apportée au rayonnement de la culture en France ou dans le monde. La Basilique et le Stade de France sont là pour nous le rappeler que Saint-Denis est une ville du monde.
Toute ma reconnaissance va à Monsieur Stéphane PEU, Chef d’orchestre de cette belle initiative et à Monsieur le Maire, Didier PAILLARD, qui a donné le ‘LA’ à cette jolie cérémonie ainsi que pour tous mes amis et proches qui ont cru en moi. A Lalia, à Maïssa, ma guerrière Massaï, « celle qui marche avec fierté », ma musicienne préférée. A Bertie Ernault !
Je remercie la Ville de Saint-Denis de la confiance qu’elle apportée pour mener à bien les missions qui m’ont été confiées, la mise en place et l’aide à la création artistique de la Maison de la Jeunesse.
Cette aventure a débuté il y a environ 25 ans, suite à un licenciement économique. Nous avions à l’époque créé avec des amis, je salue Juliette SEYDI, Maria, Séphora et Lalia HARRY et bien d’autres, une association « Saint-Denis Fraternité » qui avait pour objectifs d’éviter l’isolement, de créer des moments festifs, favoriser les échanges et la convivialité. Cette aventure a débuté aussi à Francs Moisins, alors animateur, je prenais mes quartiers à l’association des Femmes de Francs Moisins avec le soutien d’Agira et Moktaria. On m’a proposé ma contribution au choix de la programmation dans le cadre d’une initiative mise en place par le Ministère de la Culture « Quartier Lumières ». Les artistes que je proposais ont été retenus : Chef Khaled, Manu Dibango, MC Solar, et en première partie les artistes locaux. A partir de cet instant, la machine était lancée. Je me découvre une passion enfouie, la programmation musicale. Le Scopitone de l’ancien bistrot de mon père à Saint-Denis, s’était réveillé.
De voir tout ce public rayonnant de bonheur, joyeux, prendre part à ce concert, il vibrait au son du « Vivre ensemble », LE SON DE SAINT-DENIS, métissé, épicé, sucré, cette musique abolissait les frontières, la sono mondiale était née. Je désirais à tout prix, après ce concert de fête, retrouver ces instants magiques.
Avec mes amis et frères, nos week-ends se rythmaient au programme des concerts sur Paris. Je me prenais à rêver de faire traverser le périphérique aux groupes en vogue qui battaient le pavé parisien. Ils avaient élu domicile à l’hôpital éphémère, c’était le nom donné au squat établi officiellement dans les années 90/95 à l’ancien hôpital Bretonneau (décidément) dans le 18ème. Aménagé en atelier d’artistes parmi les groupes qui répétaient, on trouvait entre autre FFF, Human Sprit, Les Coquines, La Fofora, Les Satellites, Jean-Louis AUBERT, Axel BAUER, la Mano Négra, la Screed Connection, NTM, des peintres plasticiens, le graff pointait le bout de sa bombe et nous étions là !
J’en profite pour faire une dédicace à la bande de joyeux fêtards du Djembé (Fernando, Momo, Farès, Zino, Farid, Rachid) conduit sous la houlette de Guem et Fernando Diez l’homme, le magicien du rythme. Les musiciens ont traversé le périph, ils sont venus à Saint-Denis. Pour les groupes musicaux, la salle de concert de la MJ était le passage obligatoire avant leurs tournées en banlieue.
Une salle atypique de par sa géographie, ils avaient l’impression de jouer sur les toits d’une ville. Oui ! ils venaient à Saint-Denis : Eli Medeiros, Petruciani, FFF, les Berruriers, la Fofora, les Garçons bouchers, les Choraleurs, Zebda, Magma, Idir, Rachid TAHAR, Tonton David, Tak Farinas, Salif Keita, Ray Lema, et bien d’autres. Environ 2 000 groupes sont passés, on avait investi tous les lieux : Bourse du Travail, Palais des Sports, Salle de la Légion d’Honneur. La sono mondiale était installée à Saint-Denis, Radio Nova, sous la férule de son fondateur de l’époque, Jean-Marie Bizot et de Bintou Semporé avaient élu domicile à Saint-Denis pour les week-ends.
L’hôpital Ephémère fermé, les artistes se bousculaient au portillon de la petite salle de banlieue à Saint-Denis, la MJC. Saint-Denis, passage obligatoire pour les groupes de la scène alternative. Et arrive ce que tout programmateur souhaite un jour, le Graal de la musique, la naissance d’un mouvement, le Hip-Hop, le son de Saint-Denis. La capitale, le berceau du Rap et du Hip-Hop en France, c’était Saint-Denis.
Je tenais l’affiche, le must de la danse et du Rap réunis au Palais des Sports à Saint-Denis 1990 : IAM, NTM, Aktuel Force, Latra Danse (Kamel OUALI), le Clan MC, les BMC, Malamyne KONE (ex-fondateur de la marque AIRNESS), Mode Two, graffeur mondialement connu à la déco et à la bombe, a immortalisé cette affiche. J’en profite pour saluer Marko et Swen, le concert avait donné le ton à toute la France et traversé les frontières, la sono mondiale.
Les concerts se rythmaient au son de la ville, le son de Saint-Denis, Raï, Rock, Classique, Jazz, Musique africaine, berbère, portugaise, espagnol, Rap. C’est la sono mondiale celle qui rapproche les peuples. Elle est aux couleurs de la Ville.
Je remercie mes parents d’être les miens, moi Salah, fils d’immigrés illettrés, de porter cette médaille, elle est pour toi papa et aussi pour toi maman qui a œuvré sans relâche pour le bien-être de ses 6 garçons et mari, son groupe de Rock, sept musiciens, que des batteurs ! J’ai une pensée pour Marie Paillard, Jeanne, Léon et les réseaux communistes de Saint-Denis. Il y a 57 ans, 1959, ils nous ont accueillis quand on a quitté le Nord (Tourcoing) laissant maison, meubles et bagages. C’était une période douloureuse de l’histoire de la guerre d’Algérie. Mon père alors membre et collecteur du FNL avait mis sa vie en danger, il fallait fuir. Saint-Denis, solidaire était là…
Et toujours présente quand mon père emprisonné après la manif d’octobre 61, sans nouvelles de lui, des semaines interminables d’attente, les cantinières de Saint-Denis, sous la férule de Marie Paillard, nous apportaient de quoi nous nourrir pendant que ma mère accompagnée de dionysiens battait le pavé à la recherche de mon père. Je découvrais alors ces mots simples, qui avaient tout leur sens et qui sonnait à mes oreilles de cette belle mélodie AMITIE SOLIDARITE AMOUR. Merci le son de Saint-Denis.
J’en profite pour saluer tous les acteurs font vibrer la ville au fil des saisons. Une dédicace à Nathalie Rapaport et son équipe du Festival de musique de Saint-Denis qui annonce l’été et l’arrivée des vacances, un rendez-vous où tous les instruments de la terre se retrouvent, à Kamal et Emma Raguin du Panorama PCMO, à Yaya Bagayoko du Festival Hip-Hop et des Cultures urbaines,au Jazz Club d’Emmanuel Bex, au conservatoire de Saint-Denis, à la friche de Nicolas Sesbron. A tous les artistes musiciens et perturbateurs artistiques, à mes collègues de la Direction Jeunesse et de la Ligne 13. Vous êtes le son de Saint-Denis, vous écrivez la partition du vivre-ensemble. Cette partition musicale s’accompagne de voix. Chapeau les artistes et je salue toutes les associations culturelles de la ville. Merci, bonsoir.
Salah Khemissi