À la lecture de l’article de 20 Minutes du 17 août 2025, je veux saluer la lucidité, le sérieux et l’expertise des professionnel·les de terrain interrogé·es. À rebours des discours de satisfecit de certains élus locaux ou décideurs publics, ils et elles posent les vrais mots sur les vrais maux. Oui, la situation est dramatique, et non, la politique actuelle de prévention ne suffit plus.
En moins de deux mois, 702 noyades ont été recensées en France, dont 193 mortelles — soit une augmentation de 50 % par rapport à 2024. Ces chiffres glaçants ne sont pas des anomalies statistiques. Ils sont le reflet d’un système inégalitaire et vieillissant, qui échoue à protéger les plus fragiles.
Et dans ces drames, ce sont encore les quartiers populaires, les enfants issus des classes populaires, les enfants porteurs de handicap, qui paient le plus lourd tribut. Je pense notamment à cette fillette de 7 ans originaire de Bobigny, récemment noyée. Un drame de trop. Une tragédie évitable.
Père de quatre enfants scolarisés dans l’école publique, je les ai tous vu·es passer par les dispositifs dits du “savoir nager”. Ces dispositifs sont bien trop légers : 30 séances souvent décousues, dans des piscines peu adaptées, avec un encadrement insuffisant. Ce n’est pas avec ça qu’on apprend à nager, encore moins à se sauver.
Pour les enfants en situation de handicap ou de troubles autistiques, la situation est encore plus préoccupante. Ces enfants sont invisibilisés dans les politiques publiques, et les piscines adaptées ou les encadrants formés sont trop rares. C’est une injustice, mais aussi un danger mortel.
Et pendant ce temps, l’État prépare la suppression du Pass’Sport pour les 6-13 ans dans le projet de budget 2026. Une aberration. Un abandon pur et simple. Supprimer cette aide, c’est rendre le sport inaccessible à des milliers d’enfants, dans un contexte où l’apprentissage de la natation devient une question de vie ou de mort.
Je rejoins les appels des maîtres-nageurs, des collectivités comme la Gironde, et des chercheurs. Il est temps de changer de cap. La doctrine nationale de 1933 est obsolète. Il faut un plan national d’urgence pour apprendre à nager, fondé sur :
• La multiplication de bassins de proximité, à taille humaine ;
• Une réforme du cursus du savoir-nager, avec 60 séances continues et une vraie progression pédagogique à l’école ;
• L’intégration de modules de prévention dans les écoles, notamment pour les baignades en milieux naturels (rivières, lacs) ;
• Et une inclusion réelle des enfants en situation de handicap dans tous les dispositifs.
Diviser par deux les noyades ne suffit pas. Nous devons viser ZÉRO noyade. Ce n’est pas une utopie, c’est une exigence. Un impératif de santé publique, de dignité, de justice sociale.
J’adresse enfin une pensée profonde et solidaire aux familles et proches des victimes. Leur douleur nous oblige. Elle doit être entendue dans chaque plan municipal, chaque budget départemental, chaque projet de loi.
Laisser un enfant se noyer parce qu’il n’a pas appris à nager, c’est une faute collective. Mais c’est surtout le signe d’une République qui ne protège pas assez les siens. Nous devons faire mieux. Ensemble.
Le 18 août 2025