Nous ne remettons pas en cause le principe d’un musée du logement populaire. Mais le choix de son implantation au Gai Logis est une faute grave.
Dans un département marqué par une crise aiguë du logement, et dans une ville comme Saint-Denis où près de 10 000 demandes de logements sociaux restent non satisfaites, il est immoral, indécent et irresponsable de vouloir encore sacrifier 16 logements sociaux pour accueillir un musée, aussi ambitieux soit-il.
Le Gai Logis : un patrimoine vivant, pas un décor de musée
Construit en 1936, la résidence du Gai Logis — ou “le Guai Logis”, comme à l’origine — est un symbole fort du logement populaire à Saint-Denis. Ce bâtiment HBM, destiné dès sa création aux classes populaires, a failli disparaître deux fois :
- lors de la construction de l’autoroute A1,
- puis lors de celle du Stade de France.
À chaque fois, les locataires ont résisté, refusant l’effacement de leur cadre de vie. Une lutte historique, qui leur a valu le surnom affectueux de “village gaulois”, tant leur combat contre la démolition fut acharné.
Cette bataille a été menée avec courage et persévérance, notamment sous l’impulsion de Madame CHABIN, grande figure militante, présidente historique de l’amicale des locataires (CNL). Grâce à son action, le Gai Logis a été sauvé, défendu, réhabilité, et reconnu comme un lieu de mémoire vivante.
Aujourd’hui, c’est à Franck Llorente, son digne successeur, que revient la charge de poursuivre ce combat. Président actuel de l’amicale des locataires, Franck est sur tous les fronts : défense du parc social, mobilisation des habitants, présence constante dans les réunions, les conseils d’administration, les rencontres publiques.
Il incarne la vigilance citoyenne et la solidarité populaire au quotidien. Grâce à son énergie inlassable, à son sens du dialogue comme de la résistance, le Gai Logis continue de vivre et de faire vivre l’idéal du logement populaire. Il défend, sans relâche, l’idée que ce quartier n’est pas un décor, mais un lieu de vie digne, chaleureux, habité.
Aujourd’hui, ce patrimoine, c’est 170 logements, contre 210 avant réhabilitation. Et voilà qu’on voudrait en retirer 16 de plus, pour y loger un musée, ses bureaux et des parcours touristiques ? C’est inacceptable.
Des arguments absurdes pour justifier l’injustifiable
Parmi les justifications avancées, certains responsables évoquent la pollution de l’environnement immédiat pour expliquer la suppression de ces logements : trop bruyant, trop exposé à la circulation, trop pollué…
Ces arguments sont non seulement discutables, mais totalement incohérents.
Si le secteur est jugé trop pollué pour y loger des familles, comment peut-on le considérer assez sain pour y accueillir un musée, du personnel, des enfants, des scolaires, des visiteurs ?
Cette utilisation opportuniste de la question environnementale est hors-sujet, et tout aussi absurde que la transformation même des logements sociaux en attraction touristique.
Le musée ne doit pas se construire sur des logements sacrifiés
Le projet prévoit :
- Un étage d’accueil du public,
- Un étage pour les fonctions supports,
- Un étage d’exposition immersive.
Trois niveaux entièrement détournés de leur usage social, alors que les besoins en logements n’ont jamais été aussi criants.
Et tout cela, porté par l’actuel maire et président de Plaine Commune Habitat, qui :
- A soutenu une hausse des loyers de près de 20 % depuis 2020,
- A ralenti la production de logements publics,
- Et privilégie désormais l’accession à la propriété à des prix qui excluent les habitants.
Après les loyers plus chers, moins de logements sociaux. Et maintenant, des logements dévoyés pour faire de Saint-Denis une “ville touristique”. Pour qui ? Pour quoi ? Certainement pas pour celles et ceux qui y vivent.
Un projet muséal qui exige de la transparence
Le modèle économique sur lequel repose ce musée reste flou. Quelles sont les sources de financement ? Quelle est la part d’argent public ? Le coût réel ? Qui financera l’entretien à long terme ?
Avant toute chose, une transparence totale est nécessaire pour pouvoir apprécier la soutenabilité financière de ce projet. Il est inacceptable de détourner des logements sociaux sur la base d’un projet dont les fondations économiques ne sont pas publiques, claires, ni débattues démocratiquement.
Une alternative existe : ailleurs, en lien avec le Stade de France
Le projet de musée a toute sa place à proximité du Stade de France, dans une zone déjà touristique, sans priver les habitants de logements essentiels. Pourquoi ne pas imaginer un partenariat avec le nouveau gestionnaire du Stade, dans un lieu dédié, visible, adapté, accessible, sans désappropriation ?
Nous demandons :
- Le retrait immédiat du projet au Gai Logis ;
- Le respect intégral de la vocation résidentielle des 16 logements visés ;
- La réhabilitation de ces 16 logements et leur remise à disposition pour les demandeurs de logements du territoire ;
- Une relocalisation du projet muséal dans un site approprié, en concertation avec les habitants ;
- Des engagements clairs de la part de Plaine Commune et de son président, sur le maintien des logements sociaux ;
- La mise en place d’un comité de suivi populaire, transparent et indépendant, associant l’amicale des locataires, le collectif des habitants et toutes les parties concernées.
Le Gai Logis, c’est un morceau de l’histoire populaire, une lutte pour le droit au logement, un symbole de résistance. Ce n’est ni un décor, ni une curiosité touristique.
Transformer ces logements en musée, c’est nier leur valeur réelle : celle d’offrir un toit digne à celles et ceux qui en ont besoin.
Un musée du logement populaire ne peut pas naître sur des logements détruits.
Et tant que des locataires engagés comme Franck Llorente seront là pour défendre le quartier, cette bataille ne sera pas perdue.
Le 23 août 2025