Le 13 novembre 2015, la France vivait l’une des nuits les plus sombres de son histoire récente. Des attaques coordonnées, revendiquées par l’organisation dite État islamique, ont frappé le cœur de notre pays – nos lieux de vie, de culture, de convivialité.
La première attaque s’est produite ici, à Saint-Denis, peu avant 21h20.
Trois kamikazes se sont fait exploser aux abords du Stade de France, alors qu’un match France–Allemagne s’y déroulait en présence de milliers de spectateurs et du président de la République. Leur objectif était d’entrer dans l’enceinte pour provoquer un massacre d’ampleur encore plus grande. Grâce au courage et à la vigilance des agents de sécurité, ce drame a été contenu. Mais un homme, Manuel Dias, habitant de Saint-Denis, a perdu la vie ce soir-là.
Cinq jours plus tard, notre ville a de nouveau été frappée par le tumulte du terrorisme, lors de l’assaut policier rue du Corbillon visant à neutraliser les auteurs présumés des attaques. Saint-Denis a alors vécu des heures d’angoisse, mais aussi de solidarité et de courage.
Je me souviens, comme si c’était hier, de ces moments où, en tant qu’élu local, j’ai vu la ville entière se lever. Des habitants ont ouvert leurs portes pour accueillir les spectateurs choqués du Stade de France, les associations se sont mobilisées, les agents municipaux, les soignants, les bénévoles ont agi sans relâche. Face à la peur, Saint-Denis a montré son vrai visage : celui d’une ville populaire, diverse, mais profondément humaine et fraternelle.
En ce jour d’anniversaire, nous devons inlassablement avoir une pensée pour les victimes de Saint-Denis, de Paris, et pour toutes celles et ceux qui, depuis, ont été frappés par le terrorisme à travers le monde.
L’obscurantisme tue. Mais il ne vaincra jamais la lumière, la solidarité, la vie.
Nous commémorons ces actes indignes en mémoire de nos défunts de Paris et de Saint-Denis, et nous témoignons de notre soutien sincère aux familles endeuillées.
C’est aussi un moment de recueillement universel, pour toutes les victimes du terrorisme qu’il nous faut, sans relâche, combattre — par la raison, la justice et la fraternité.
Je veux aujourd’hui rappeler les mots justes, puissants et profondément humains de Michael Dias, fils de Manuel Dias, notre concitoyen dionysien tombé le 13 novembre 2015. Ses paroles, empreintes d’amour et de lucidité, résonnent encore avec une force intacte :
« Aujourd’hui, trop souvent, les débats divisent et exacerbent les différences,
faisant croire aux plus naïfs que c’est par l’exclusion des uns que l’on trouvera notre salut.
Nous devons à l’inverse nous efforcer de combattre la stigmatisation et la division.
L’intégration est la solution. C’est en offrant les mêmes opportunités à tous
que nous réussirons à empêcher que les ressentiments de certains ne se transforment en brutalité pour tous.
Face à la perte d’un père, comme le disait Jacques Brel, on n’a que l’amour.
L’amour que l’on nous a transmis, l’amour que l’on a donné. L’amour qu’aucune attaque terroriste ni aucune fausse divinité ne pourra jamais nous enlever. Vive la tolérance, vive l’intelligence et vive la France. »
Ces mots sont un message pour nous tous.
Ils nous rappellent que notre humanité ne se mesure pas à la peur, mais à la capacité d’aimer, de tendre la main, de refuser la haine.
Je regrette profondément que plusieurs habitant·e·s de Saint-Denis, qui ont souhaité participer à ce moment de recueillement, aient été empêché·e·s de le faire, car non invité·e·s, absents d’une liste d’invités triés sur le volet, en plus des élus. J’ai moi-même été empêché d’y accéder, avant d’avoir finalement pu participer.
C’est d’autant plus regrettable que le 13 novembre 2015 fut aussi un moment de puissante solidarité populaire : celles et ceux qui sont nos semblables avaient alors agi spontanément, pour rassurer, informer, aider, accueillir. Cet élan humain, profondément ancré dans l’esprit dionysien, faisait partie intégrante de la mémoire collective de cette nuit tragique. Il est dommage que le dispositif commémoratif n’ait pas pris en compte cet aspect essentiel, qui est aussi une des caractéristiques de ce moment de recueillement : la participation, la proximité et la fraternité vécue.
Je tiens néanmoins à saluer la présence du député Éric Coquerel, ainsi que celle du conseiller municipal Yohan Sales, représentant les insoumis·es, venus témoigner du respect, du soutien et de la fidélité à la mémoire des victimes et à la solidarité dionysienne.
Saint-Denis, ville du monde, ville populaire, souvent stigmatisée mais toujours debout,
porte dans sa chair la mémoire du 13 novembre. Et c’est dans sa diversité, dans la chaleur de ses habitants, dans le travail silencieux des associations, des agents publics et des familles,que se construit, jour après jour, une réponse à la barbarie : la fraternité concrète.
Dix ans après, souvenons-nous de cette leçon essentielle : Face à la peur, c’est la fraternité qui sauve. Face aux divisions, c’est la justice et l’égalité qu’il faut faire vivre. Et face à la haine, c’est l’amour qui nous rend humains.
Le 13 novembre ne doit pas seulement nous rappeler ce que nous avons perdu, mais ce que nous avons su préserver : notre humanité.





